Une époque incertaine, un certain récit du monde
Nous le savons, nous le sentons : nous vivons dans une époque incertaine. Incertaine tant dans la manière dont elle
se déroule que dans la façon dont on la raconte. Quelles sont les histoires que nous nous racontons à propos du
monde ? Quels sont les récits que nous répandons et perpétuons ? Notre monde est une construction, un
imaginaire : un ensemble de représentations qu’il est souvent difficile de bousculer.
Pourtant, nous le savons, nous le sentons : nous avons désespérément besoin d’autres histoires. Nous sommes à ce
moment « charnière » entre un ancien et un nouveau monde... Où tout est à créer. Alors, comment changer, comment évoluer de cette époque incertaine vers des récits qui mènent au changement ?
De façon assez simpliste, nous avons toujours pensé que le modèle d’industrialisation, de globalisation,
de développement du « sud » par le « nord » était le bon. Cette idée a fasciné pendant un moment : « C’était moche
avant, mais beaucoup mieux après ». On nous a convaincu que c’était mieux après. Aujourd’hui, l’histoire et la façon
cyclique dont elle s’est toujours répétée, nous indique qu’il faut faire émerger un nouveau mouvement. Un
mouvement qui invite à « imaginer autre chose », ensemble, en réseaux.
Il s’agit non seulement d’imaginer de nouvelles pratiques, mais surtout de répandre des récits qui donnent envie
d’un nouvel horizon. Post-développement, transition, décroissance... Plusieurs termes sont apparus, sans encore
parvenir à faire émerger un seul concept fédérateur. La question au centre est : comment réapprendre à être sensible
au monde ? Comment développer une nouvelle conscience de l’esthétique de notre monde ?
L’agroécologie, un nouvel horizon pour l’alimentation
De nouveaux concepts, de nouvelles narrations, de nouvelles
pratiques se répandent un peu partout et nous inspirent. Un très
bon exemple est le mouvement de l’agroécologie, qui se
présente comme une alternative crédible au modèle de
production agricole industriel. A l’opposé de l’agriculture
industrielle qui base ses pratiques sur des intrants, l’agroécologie
fait appel aux propriétés offertes par les écosystèmes. Elle
recourt à des processus comme le recyclage, l’augmentation des
matières organiques du sol, l’intégration d’arbres...)
© ILD |
L’intérêt de l’agroécologie n’est pas seulement de proposer une alternative durable et respectueuse de
l’environnement, mais aussi de réintroduire un rapport de proximité entre producteurs et consommateurs. C’est en
cela qu’elle propose une alternative merveilleusement inspirante; parce qu’elle est créatrice de liens sociaux. Par-
dessus-tout l’agroécologie permet aux petits producteurs à travers le monde de gagner en autonomie en vivant
durablement et décemment de l’agriculture. Par l’agroécologie, on redonne du pouvoir aux populations là où elles habitent, et c’est très important étant donné l’époque incertaine dans laquelle nous évoluons.
Il faut repenser l’agriculture au centre car elle nous concerne toutes et tous.
Il faut repenser l’agriculture comme la production avec la nature.
C’est ce que la racine même du mot agroécologie nous invite à écouter, à l’opposé de l’agroindustrie qui renvoie à l’idée de faire de l’agriculture pour produire le plus possible. Non, produire avec la nature ne correspond pas à un retour en arrière. Produire avec la nature en recréant du lien
entre producteurs et consommateurs est une invitation à imaginer ensemble un nouvel horizon... Un horizon nourri
d’humilité... Ce mot qui trouve ses racines dans la terre : Humus.
L’agroécologie et l’horizon qu’elle dessine permettent d’envisager une échappatoire à l’incertitude
de notre temps et de se raccrocher à un récit catalyseur. Olivier de Schutter, grand défenseur de
l’agroécologie, est convaincu que c’est par la réappropriation de leurs terres par les agriculteurs
qu’un nouveau système pourra émerger : les grands changements doivent venir du bas.
La multiplication de ces petits endroits d’innovation, de résistance, finiront par permettre au monde de se
redessiner, de se réimaginer.
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